Chassés de chez eux, mais toujours aux études
Des enseignants réfugiés du Soudan aident à préparer de jeunes soudanais à entrer à l’université en Égypte
Lorsque Raymond Khaled John Al-Hajana, 12 ans, réfugié du Soudan, était prêt à commencer l’école en Égypte en 2016, il lui manquait un niveau d’éducation suffisant pour aller en classe avec des jeunes de son âge.
Il lui fallait acquérir des compétences et des connaissances enseignées aux enfants dans les premières années du primaire.
Comme de nombreux réfugiés soudanais qui ont perdu des années de scolarité à cause de la guerre et des conflits, il était tout simplement trop âgé pour entamer son parcours scolaire en Égypte.
Toutefois, le Centre Saint-Raphaël pour l’éducation primaire et secondaire en Égypte, avec le soutien du MCC, offre à Al-Hajana et aux autres étudiants soudanais une possibilité rare de rattraper leur retard.
Au centre, Raymond Khaled John Al-Hajana, un réfugié soudanais, étudie à l’école secondaire au Centre Saint-Raphaël pour l’éducation primaire et secondaire. Photo Réfuge Égypte/Monica Mehaffey
Ce n’est qu’une des façons dont le MCC tend la main aux jeunes dont les familles ont fui leur pays.
Au Liban, le MCC s’associe à un jardin d’enfants qui offre aux jeunes réfugiés syriens de nouvelles chances d’apprendre et de grandir. En République démocratique du Congo, les élèves des camps de déplacés peuvent poursuivre leur scolarité, et un programme supplémentaire en Égypte destiné aux réfugiés soudanais favorise l’éveil préscolaire.
Selon Lynn Longenecker, coordinatrice de l’éducation au MCC, les réfugiés considèrent l’éducation de leurs enfants comme une priorité absolue.
« Il offre aux enfants un lieu sécuritaire où ils peuvent commencer à se remettre de leurs traumatismes et acquérir des compétences qui leur permettront un jour de gagner leur vie et devenir des acteurs dans leurs communautés. »
« Si je m’imagine dans une telle situation, c’est ce que je voudrais pour mes propres enfants. Soutenir ces initiatives est donc pour moi une façon de suivre l’appel de Jésus à aimer mon prochain comme moi-même. Ou plus précisément… c’est une façon d’aimer l’enfant de mon prochain comme le mien. »
À la Maison de la lumière et de l’espoir au Liban, les enfants syriens et libanais à risque bénéficient d’un soutien scolaire et d’une prise en charge des traumatismes. Les étudiants syriens rencontrent souvent des difficultés liées à un programme scolaire inconnu, à la discrimination, aux classes surchargées, aux années de scolarité perdues et à l’impact psychologique de la crise syrienne. On ne nomme pas les personnes pour des raisons de sécurité.Photo avec l’aimable autorisation de « House of Light and Hope ».
Le Centre Raphaël se trouve à Nasr City, un quartier du Caire, la capitale de l’Égypte où se sont installés de nombreux réfugiés soudanais. L’école est gérée par des éducateurs soudanais qui sont eux-mêmes des réfugiés et qui comprennent les bouleversements que les élèves ont subis. Les cours sont dispensés en arabe soudanais, un dialecte que les enfants réfugiés maîtrisent mieux que l’arabe égyptien.
Et comme de nombreux élèves plus âgés tels que Al-Hajana ont besoin d’un enseignement primaire, les enseignants ont trouvé le moyen d’accélérer l’apprentissage pour eux.
Le père d’Al-Hajana, Khaled John Al-Hajana Tutu, a inscrit son fils et ses deux filles cadettes à Saint-Raphaël. Quatre ans plus tard, à 16 ans, son fils a obtenu le certificat d’aptitude à l’enseignement secondaire.
« L’école Saint-Raphaël offre une bonne formation scolaire à mes enfants et renforce leur confiance en eux », déclare Al-Hajana Tutu. « Les professeurs sont également expérimentés dans l’enseignement, et l’école jouit d’une bonne réputation dans la région. »
Il travaille de longues heures pour subvenir aux besoins de la famille, mais parvient à réunir tout juste assez d’argent pour payer les frais de scolarité. Le MCC, ainsi que d’autres organismes de soutien subventionnent l’école par le biais de Serve Egypt, un ministère du diocèse anglican d’Égypte.
Saint-Raphaël, avec ses quelque 230 élèves, est l’une des plus grandes écoles soudanaises de la région, selon le directeur Emmanuel Issa Zaid, un réfugié soudanais titulaire d’un diplôme universitaire et expérimenté dans la formation des enseignants.
Les élèves qui terminent leur enseignement secondaire à Saint-Raphaël peuvent passer le Sudanese Certificate Examination (le certificat de scolarité soudanais) par l’intermédiaire de l’ambassade du Soudan en Égypte. Ceux qui le réussissent peuvent s’inscrire dans les universités égyptiennes.
À la fin de l’année scolaire 2020-2021, 25 élèves de Saint-Raphaël ont réussi l’examen de huitième année, ce qui leur permet de poursuivre leurs études dans le cycle secondaire. Le directeur, Zaid, espère que leur réussite encouragera d’autres jeunes et leurs familles.
Le directeur Emmanuel Zaid, un réfugié soudanais, enseigne aux élèves du Centre Saint-Raphaël d’éducation primaire et secondaire (également appelé école Saint-Raphaël). Refuge Egypt photo/Monica Mehaffey
Le MCC soutient les projets éducatifs parce qu’ils apportent bien plus que l’apprentissage de leçons, déclare Karen Friesen, représentante du MCC en Égypte avec son mari, John Friesen. Ils sont originaires du Manitoba et de la Caroline du Nord.
« Les écoles comme Saint-Raphaël offrent un refuge aux personnes vulnérables, persécutées, pauvres et marginalisées, et prennent soin d’eux, » dit-elle. « Ces projets éducatifs ne cherchent non seulement à éduquer, mais aussi à cultiver quotidiennement la dignité, la résilience et l’espoir des étudiants, des familles et des communautés qui sont des étrangers sur la terre. »
Néanmoins, ce ne sont pas tous les réfugiés soudanais qui veulent profiter des possibilités d’éducation, déclare Zaid.
Certains parents se préoccupent simplement de savoir comment s’adapter à la vie dans un nouveau pays et comment planifier l’avenir. D’autres attendent d’inscrire leurs enfants à l’école une fois qu’ils seront réinstallés dans un pays tiers. Toutefois, Zaid croit fermement que les enfants réfugiés doivent être scolarisés, car il a vu ce qui se passe quand ils ne le sont pas.
Les jeunes Soudanais, dont beaucoup souffrent de traumatismes liés à la violence et au déracinement qu’ils ont subis, connaissent des taux élevés de grossesse chez les adolescentes et de consommation de l’alcool et de la drogue. Certains trouvent leur place dans les gangs de rue, explique Zaid.
« Alors que la rue vous apprend le crime, le pillage, le vol, la toxicomanie et d’autres actes illégaux, l’école transforme votre vie pour le meilleur. »
- Raymond Khaled John Al-Hajana, étudiant
Durant leur temps à Saint-Raphaël, le personnel travaille dur pour apporter aux jeunes comme Al-Hajana un sentiment d’appartenance et de sécurité. L’école a également conclu un partenariat avec le centre Saint-Raphaël, selon lequel les prêtres offrent des conseils et d’autres services afin d’aider les élèves et leurs familles.
« L’école vous éloigne de nombreux problèmes », dit Al-Hajana. « Elle occupe également votre temps libre et vous guide sur le droit chemin afin de réussir votre vie.
« Alors que la rue vous apprend le crime, le pillage, le vol, la toxicomanie et d’autres actes illégaux, l’école transforme votre vie pour le meilleur. »
Légende de la photo du haut : Vera Khaled John, à gauche au premier plan, assiste à une classe au Centre Saint-Raphaël pour l’éducation primaire et secondaire. Elle est la petite sœur de Al-Hajana. Photo refuge Égypte/Monica Mehaffey