
Les réalités complexes d’une crise alimentaire planétaire
Le bébé et les frères et sœurs de Nyawar Mapieny Gathoul ont faim. Le père de son bébé de six mois n’est pas là pour l’aider et, âgée d’à peine 17 ans, la jeune mère s’occupe également de ses sept frères et sœurs parce que leurs parents sont décédés. Nyawar est forte, résiliente et travailleuse, mais la famille ne peut se procurer qu’un repas par jour.
À cause des conflits, Nyawar et ses frères et sœurs ont dû fuir leur maison et ont trouvé refuge dans un camp de personnes déplacées au Soudan du Sud. Un partenaire du MCC les a aidés en distribuant des rations alimentaires mensuelles aux familles vivant dans le camp. Puis les inondations arrivèrent. La crue des eaux détruisit leur petite maison. Ils pataugèrent pieds nus dans le camp, examinant leurs possessions gorgées d’eau. Pour Nyawar, il s’agissait de perte sur perte, de chagrin sur chagrin. Il devint encore plus difficile d’accéder aux fournitures de base.
Les facteurs qui contribuent au manque de nourriture pour la famille sont complexes et variés. L’histoire de Nyawar ne présente qu’un aperçu de la crise de la faim faisant rage dans toute l’Afrique subsaharienne.
Afin de mieux comprendre cette crise, nous avons rencontré Bruce Guenther, le directeur du programme « Intervention en cas de catastrophe » (Disaster Response) du MCC, pour lui poser quelques questions.
Q : Quelle est la situation de l’approvisionnement alimentaire mondial à l’heure actuelle ?
R : À l’heure actuelle, 10 % de la population mondiale se couche le ventre vide. De ce nombre, environ 50 millions ont atteint des seuils de crise et frôlent la famine. Ce chiffre est en hausse par rapport aux 27 millions de 2019, avant le début de la pandémie. Cette crise de la faim a été déclenchée par plusieurs facteurs. Les conflits, les catastrophes et la hausse des prix des denrées alimentaires en sont les éléments principaux.
Q : Quel est le rapport entre le conflit en Ukraine et la faim dans le monde ?
R : L’Ukraine est un producteur important de denrées alimentaires, notamment pour l’Afrique subsaharienne et le Moyen-Orient. L’Ukraine exporte des produits tels que le blé, le maïs, l’orge et l’huile de tournesol. Le conflit en Ukraine a un impact direct sur l’approvisionnement alimentaire mondial, les ports étant fermés et les marchandises ne pouvant pas quitter le pays. Cela signifie que les prix des denrées alimentaires augmentent dans le monde entier. En Syrie, par exemple, le coût des programmes d’aide alimentaire du MCC a grimpé d’environ 22 %.
Q : Y a-t-il d’autres facteurs qui contribuent à la crise ?
R : Tout à fait. Nous constatons que d’autres facteurs entrent en jeu, comme l’évolution des conditions météorologiques. Dans des régions comme le Soudan du Sud, par exemple, des inondations dévastatrices anéantissent les cultures et rendent l’intervention humanitaire encore plus nécessaire. Il faut aussi tenir compte des coûts de transport liés à l’acheminement de la nourriture aux familles dans le besoin ; la flambée du prix du pétrole a un impact considérable. Il s’agit d’un ensemble de circonstances qui se produisent en même temps et les effets se cumulent.
Q : Comment le conflit aggrave-t-il la faim dans le monde ?
R : Essentiellement, il existe quatre moyens d’accéder à la nourriture. Le premier est d’en produire soi-même. Le deuxième est le travail. Le travail permet de gagner un salaire et d’acheter des vivres. Troisièmement, le troc : on peut élever des chèvres, puis les échanger contre des poulets ou des œufs. Quatrièmement, il existe le transfert, tel que les filets de sécurité sociale ou l’aide alimentaire d’urgence.
Le conflit perturbe chacun de ces accès à la nourriture. Il arrive que les gens perdent leur emploi régulier lorsqu’un conflit éclate. Ou ils peuvent être déplacés de leurs terres. Le coût des biens essentiels augmente, et les gens vendent leurs biens. Et, d’un point de vue logistique, il est beaucoup plus difficile de distribuer la nourriture dans un contexte de conflit.
Q : Qu’entend le MCC de la part de ses partenaires à propos de la crise de la faim ?
R : Nos partenaires nous disent que cette crise affecte gravement la vie quotidienne des gens. Les prix des aliments étant trop élevés, de nombreuses familles n’ont pas les moyens de se procurer ce dont elles ont besoin (et nous savons qu’il en va de même pour de nombreuses familles canadiennes et américaines). Pour le MCC, il en coûte également plus cher d’acheter de la nourriture localement et de fournir de l’aide alimentaire à des personnes déjà vulnérables à cause du conflit ou de la sécheresse. Cela ne fait que pousser de plus en plus de personnes vers la pauvreté et la grande précarité.
Q : Que fait la MCC pour répondre aux besoins ?
R : Nous intensifions notre réponse humanitaire à l’échelle mondiale, notamment en Éthiopie, au Kenya, au Malawi, au Soudan du Sud et au Zimbabwe. Nos plus grands programmes d’aide alimentaire d’urgence se trouvent en Syrie et au Liban. En réalité, nous avons besoin de plus de ressources pour continuer à fournir le même niveau d’assistance aux personnes que nous soutenions déjà.
Q : Pourquoi le MCC Canada fait-il appel à la coalition humanitaire ?
R : Le MCC Canada fait partie de la coalition humanitaire par le biais de son adhésion à la Banque canadienne de grains. L’avantage de la coalition est que nous sommes plus forts ensemble que seuls. Nous sommes en mesure de coordonner notre message avec celui d’un grand nombre d’autres organismes humanitaires, ce qui nous permet d’adresser un message clair aux Canadiens sur la façon dont ils peuvent réagir aux crises. Et en agissant collectivement, nous pouvons œuvrer avec le gouvernement du Canada pour mobiliser des fonds complémentaires. Tout le monde y gagne, surtout les familles qui sont sur le point de mourir de faim.
Vous pouvez fournir des produits alimentaires d’urgence aux enfants et aux familles souffrant de faim extrême dans des endroits tels que le Sudan du Sud.