Un nouvel espoir et une occasion de guérir

Il fait chaud. Le soleil est suspendu au-dessus d’une cour en béton où plusieurs femmes sont assises en position semi-allongée sous un auvent. Même les oiseaux sont silencieux. L’air est lourd et humide, retenant ses pluies de mousson encore un peu de temps.

Les femmes, vêtues de rouge, de rose et de vert vifs, se détendent et discutent tranquillement entre elles, profitant de la tranquillité de l’après-midi. Elles sont vibrantes contre le béton et le ciel gris. Leurs parcours de vie les rendent toutes aussi vibrantes.

Ces femmes sont rassemblées dans la cour à l’extérieur d’une maison d’hébergement à courte durée du partenaire du MCC, KOSHISH (organisme national d’entraide en santé mentale) à Lalitpur, au Népal. Elles sont venues en raison de graves problèmes de santé mentale, car il fut un temps où elles n’étaient pas capables de prendre soin d’elles-mêmes. Il fut un temps où un après-midi tranquille, à se détendre en compagnie d’autres personnes après un repas chaud était impensable.

Kamala Poudel m’accueille avec un sourire chaleureux. Nous traversons la cour et montons les escaliers. Elle me présente à l’une des psychologues, Sangita Laudari, qui me parle des interventions et des évaluations cliniques. Nous échangeons plus généralement sur les défis et les récompenses du travail de counseling clinique. Je pourrais rester plus longtemps, mais Poudel a plus à me montrer, plus à me faire découvrir.

Kamala Poudel est responsable de projet et défend l’action de KOSHISH.

Il y a des chambres à l’étage remplies de lits, une petite pièce pour l’art-thérapie, un espace dédié à la danse et la vie communautaire. Une nouvelle maison de transit, actuellement en construction, comprendra des espaces extérieurs où les femmes pourront apprendre l’élevage et d’autres techniques agricoles. Pour les femmes issues essentiellement de milieux agraires, plonger les mains dans la terre peut s’avérer thérapeutique et permet d’acquérir des compétences utiles à leur réintégration dans leur société d’origine.

Nous nous rendons dans la salle à manger et y prenons une tasse de thé. Poudel me raconte une histoire après l’autre de femmes dont la vie a été transformée par KOSHISH. Cet organisme reçoit un soutien financier et technique du MCC. Une femme qui a survécu à la violence domestique effroyable ayant provoqué une fausse couche tardive a trouvé un sens à la vie et la guérison en travaillant avec le personnel de cuisine de KOSHISH. Une autre jeune femme, après une tentative de suicide, a retrouvé une raison d’être et un sentiment d’espoir et a pu retourner dans sa famille avec davantage de compétences et de soutien.

Pendant que nous sirotons notre thé et que j’écoute ces témoignages de retombées positifs, de transformation et d’espoir, c’est le récit de Poudel elle-même qui résonne le plus pour moi ce jour-là. Cette femme devant moi, en train de partager du thé et des rires, est l’incarnation de la mission et de la vision de KOSHISH qui est de promouvoir la santé mentale et le bien-être psychosocial au Népal. L’association s’efforce toujours de déstigmatiser les problèmes de santé mentale, car de nombreux membres de son personnel sont eux-mêmes des survivants de systèmes mis en place pour les détruire.

Poudel, au large sourire et à l’esprit vif, a été vendue par son beau-père à des trafiquants d’enfants en Inde. À 5 ans, elle a perdu son innocence, sa citoyenneté, sa famille et son avenir. Elle s’est échappée et est finalement retournée au Népal, mais elle était sans papiers, car ses trafiquants les lui avaient volés. Elle a atterri dans la rue, aux prises avec des problèmes de santé mentale.

Avec un petit rire de lucidité, elle me parle de son scepticisme initial lorsqu’elle a été amenée à KOSHISH. Elle était en colère. Elle était blessée et ne voulait pas recevoir de soins. Mais le personnel clinique et infirmier qualifié de KOSHISH a su progressivement gagner sa confiance.

Leur attention minutieuse ; un emploi du temps aménagé pour de l’art-thérapie, du repos et des jeux, un soutien médical et clinique comprenant des médicaments et des thérapies individuelles et de groupe, le tout dans un environnement sécuritaire, ont permis à Poudel de guérir pour la première fois de sa vie.

Elle fait maintenant partie intégrante de l’équipe de KOSHISH. Elle raconte son histoire sans honte ni orgueil, en nommant ses blessures et sa résilience avec une confiance inspirante. Elle est chargée de projet et défend les intérêts des handicapés. Elle séduit tous ceux qui la rencontrent, moi y compris.

L’impact de KOSHISH sur les femmes est indéniable, mais sa vision est plus vaste.

KOSHISH aimerait que le gouvernement du Népal voie ces prestations de soins et les reproduise. Ils espèrent que leur plaidoyer pourra pousser le gouvernement à s’engager plus pleinement dans une démarche de prise en charge des personnes les plus marginalisées de la société. Le modèle de KOSHISH est à la fois micro et macro, soutenant l’importance du travail individuel et la transformation sociale.

« Cette perspective de lendemains est un don en soi ; une bougie à l’intérieur de chaque femme, un espoir timide que les jours à venir seront plus légers que ceux qu’elles laissent derrière elles. »

Nos tasses de thé sont vides, et nous restons assis encore un peu. Ce lieu, un havre de paix au Népal et unique en son genre, vibre d’espoir ; celui des femmes d’hier, d’aujourd’hui et de demain et du personnel qui les soutient. C’est l’image d’une communauté qui résiste et qui pousse au progrès.

C’est avec reconnaissance pour ce temps partagé que je me lève pour partir. Alors que les gouttes de pluie commencent à tomber et que les femmes se dirigent vers l’intérieur, je les sens s’avancer vers la prochaine étape, vers le jour qui suivra celui-ci, et celui d’après, et même celui d’après. Cette possibilité de jours à venir est un don en soi ; une bougie à l’intérieur de chaque femme, un espoir timide que les jours à venir seront plus légers que ceux qu’elles laissent derrière elles.

Légende de la photo du haut : Grâce au partenaire du MCC, KOSHISH, à Lalitpur, au Népal, une femme (nom omis pour des raisons de confidentialité) participe à une thérapie par l’art, en apprenant les techniques traditionnelles de perlage.

Kaitlyn Jantzi, qui vit à Katmandou, au Népal, est une personne-ressource en santé mentale pour les programmes internationaux du MCC. Son mari Luke est le représentant du MCC au Népal.